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Les fonds cherchent un relais chez les corporates internationaux

Malgré une baisse de 30 % sur un an du nombre de sorties auprès d’industriels étrangers, selon les bases de données CFNEWS, les corporates restent très acquisitifs sur certains secteurs, comme les logiciels et la santé. Moins dépendants du marché de la dette, ces acteurs se positionnent particulièrement sur des deals mid et large cap, offrant de la liquidité aux GPs.

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© Pexels 

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La porte de l’industriel étranger s’est quelque peu refermée en 2023. Selon les bases de données CFNEWS, 60 entreprises françaises soutenues par un ou des fonds ont été cédées à un industriel étranger l’année dernière, soit un volume en baisse de plus de 30 % par rapport à 2022. À titre de comparaison, France Invest, dans son bilan annuel, fait état d’une diminution de 10 % du nombre de sorties en 2023. « Ce n’est pas un sujet d’attractivité des entreprises françaises mais de conjoncture, assure Michel Degryck, managing partner de Capitalmind Investec. La crise de la tech, puis la guerre en Ukraine et ses conséquences en termes d’inflation et de coûts des matières premières ont impacté l’activité M&A dans son ensemble. » Le tableau n’est pas entièrement sombre pour autant. Étonnamment, le nombre d’entreprises françaises valorisées plus de 500 M€ par un groupe étranger a presque doublé, passant de cinq en 2022 à neuf en 2023. Et sur ce dernier échantillon, la moitié des sociétés cédées comptaient des investisseurs financiers à leur tour de table. Sur la première marche du podium figure Webhelp. Après cinq LBO, dont le dernier sous l’égide de Groupe Bruxelles Lambert, le spécialiste de la relation client s’est rapproché de l’américain Concentrix qui l’a valorisé 4,4 Md€. Le groupe de services aéroportuaires, WFS, a lui quitté le portefeuille de Cerberus pour intégrer le groupe singapourien SATS lors d’une opération de 2,25 Md€, tandis que Carlyle a vendu le verrier Saverglass 1,29 Md€ à l’australien Orora

Entreprises françaises valorisées plus de 500 M€ par un industriel étranger en 2023 © CFNEWS.net

Entreprises françaises valorisées plus de 500 M€ par un industriel étranger en 2023 © CFNEWS.net

Guillaume Jacqueau, Equistone

Guillaume Jacqueau, Equistone

« Il y a toujours de l’appétit pour de belles sociétés » commente le managing partner dEquistone Guillaume Jacqueau, dont trois participations ont été ou sont sur le point d’être cédées à un industriel étranger. C’est le cas du distributeur de spiritueux Dugas vendu au polonais Stock Spirits Group, de l’enseigne Courir au britannique JD Sports (520 M€), et du tour-opérateur Karavel à l’emirati Adnec, ces deux dossiers étant en cours de finalisation. « Notre modèle consiste à acquérir des champions locaux pour en faire des champions internationaux, poursuit l’investisseur. Ce faisant, nous rendons nos participations attractives pour des acquéreurs étrangers, qu’ils soient financiers ou industriels. » Le logisticien Staci vendu par Ardian, il y a quelques mois, à la poste belge Bpostgroup pour 1,3 Md€ en est une autre illustration. « À notre entrée, 70 % du chiffre d’affaires était généré en France. Cette proportion est tombée à 30 % lors de notre sortie » souligne Lise Fauconnier, managing director buyout au sein de la société de gestion. Une ouverture géographique, couplée à une diversification sectorielle, qui ont été alimentées par six build-up dont les rachats du néerlandais Base Logistics, et de l’américain Amware.

Un appétit pour les logiciels...

Guillaume Capelle, Adviso Partners 

Guillaume Capelle, Adviso Partners 

Car s’il n’existe pas de formule magique pour séduire un groupe étranger, l’empreinte internationale pour les entreprises de l’upper mid cap et du large cap est presque une condition sine qua none. Les PME, quant à elles, doivent a minima rayonner au plan national. Les qualités intrinsèques de la cible mises à part, certaines activités se vendent mieux que d’autres. « Dans certains secteurs, le corporate étranger achète le positionnement France », explique l’associé-gérant d’Adviso Partners Guillaume Capelle qui a épaulé la vente du créateur de parfum INCC au parfumeur suisse Give Back Beauty, offrant par là même une sortie à Naxicap Partners et Seventure. « C’est le cas par exemple du luxe, de la gastronomie, mais aussi de la tech ou de la santé » ajoute-t-il. Ainsi, sur les 60 sorties menées par des fonds auprès d’industriels étrangers recensées par CFNEWS, près d’un tiers concerne des éditeurs de logiciels. Parmi ces opérations, figurent la vente d’Invoke par Isai, Sagard et Bpifrance à l’allemand Regnology, celle de Scibids, qui était soutenu par un VC italien, à l'américain DoubleVerify, ou encore la reprise de Mipsology par le californien Advanced Micro Devices, permettant la sortie de d'Alven, Partech et Omnes. « Il y a structurellement plus d’opérations crossborder dans les logiciels car ce secteur est animé par de nombreux gros acteurs américains », précise Michel Degryck. 

... et pour la santé

Autre domaine plébiscité tant par les fonds que par les stratégiques étrangers : la santé avec dix opérations en 2023. Fin connaisseur de ce secteur, François Rivalland, managing partner de Natixis Partners, a notamment accompagné la vente du fabricant d’équipements pour le diagnostic in vitro Elitech auprès du groupe américain Bruker pour 870 M€ ainsi que celle du fabricant de prothèses de hanche Serf à l’américain Stryker pour un prix tournant entre 200 et 250 M€. « Nous continuons à voir beaucoup d’industriels en santé, car la France est un marché important et attractif dans ce secteur, explique le banquier d’affaires. En outre, certains d’entre eux, qui disposent d’importants niveaux de liquidité sur leur bilan et de lignes de crédit, profitent d’un relatif attentisme des fonds en ce moment pour réactiver leurs acquisitions. Dans certains process, nous avons d’ailleurs, pour cette raison, fait le choix de nous adapter et d’intégrer plus d’industriels. »

Un coup d'avance sur les deals d'upper mid cap

Lise Fauconnier, Ardian

Lise Fauconnier, Ardian

Une capacité à autofinancer des transactions smid cap, et globalement un besoin de financement moindre que les fonds, avantagent les industriels quel que soit le segment. Lors de sa mise sur le marché, le dossier de Staci a été présenté à quelques fonds de la Place. Mais la difficulté de lever un financement structuré pour une opération qui s’est finalement conclue à 1,3 Md€ a rapidement écarté ces candidats au profit de leurs concurrents stratégiques. « Les industriels ont généralement un coût moyen pondéré du capital plus faible que les investisseurs financiers, tout en étant prêt à offrir un prix attractif en raison des synergies », appuie Lise Fauconnier. Et cette prime est parfois plus généreuse lorsque le repreneur n’est pas français. « Les acquéreurs étrangers sont conscients qu’ils sont généralement en concurrence avec des acteurs locaux, dont la relation avec le dirigeant est sans doute plus naturelle, explique Guillaume Capelle. Ils peuvent ainsi être encouragés à proposer un meilleur prix. »

Des enjeux opérationnels et culturels

Réussir une telle cession implique néanmoins une vraie préparation. Comme toute opération industrielle, celle-ci doit tout d’abord être anticipée afin de tenir compte du calendrier de l’acquéreur. « L’opération doit souvent être approuvée par plusieurs niveaux hiérarchiques ce qui rallonge les délais, rappelle François Rivalland. En amont du process, il est essentiel de bien comprendre la motivation et le processus de décision interne du corporate afin de ne pas inclure des candidats qui ne pourront réaliser l’opération et ainsi éviter de divulguer des informations sur un concurrent inutilement. » L’aspect international ajoute en outre une complexité supplémentaire, les pratiques business différant selon les origines. « L’approche en termes de garantie d’actif et de passif, par exemple, varie fortement selon les pays, illustre Michel Degryck, les niveaux de garanties consenties en France étant généralement plus faibles qu’à l’étranger. » Un point à anticiper en faisant preuve de pédagogie auprès des parties.

Les banques d'affaires recrutent à l'étranger

Michel Degryck, Capitalmind

Michel Degryck, Capitalmind

Enfin, au-delà des aspects financiers et juridiques, les transactions crossborder doivent réussir à accorder deux cultures parfois éloignées. « L’aspect culturel est important, confirme Guillaume Jacqueau. Il est différent de vendre à un repreneur européen ou de vendre à un acteur américain ou asiatique. Il faut prendre le temps nécessaire pour les négociations et être bien accompagné. » S’appuyer sur un conseil local permet en effet d’être guidé dans les bonnes pratiques du pays et de faciliter les négociations. Les banques d’affaires elles-mêmes, y compris celles positionnées sur le smid cap, œuvrent d’ailleurs à étendre leur empreinte internationale, par des recrutements ou des alliances, pour accompagner leurs clients dans leur déploiement. Capitalmind a par exemple scellé une alliance avec Investec, renforçant à la fois ses expertises sectorielles et sa présence dans les quatre coins du globe, Eponyme Partners s’est installé en Espagne suite au recrutement d’Enrique Marquina, tandis que DDA & Company - implanté aux Etats-Unis depuis une vingtaine d’années - a étoffé son bureau new-yorkais avec l’arrivée de Gregory Taft Gerard. Quelques exemples, parmi d’autres, qui illustrent ce mouvement.

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